MARINE INCONNUE: L'horrible accident du sous-marin Russe Nerpa

Je ne garderai pas pour moi la profonde consternation ressentie ce jour-là:
(m.à.j. le 27 Décembre 2012 à 12h20) L'annonce le 9 Novembre 2008 du nouvel accident grave survenu à bord d'un sous-marin Russe lors de ses premiers essais en mer ne saurait laisser indifférent l'ancien marin que je suis. Encore plus affligeant fut le traitement médiatique de la chose. Il me semble que la mort accidentelle de 20 marins et techniciens professionnels dont des militaires au service de leur pays de surcroît, fut considérée comme moins intéressante que le départ de la course autour du Monde à la voile...
Nuclear submarine INS Chakra facing problems with critical components (le 27 Déc. 2012) La Marine Indienne est très mécontente !

En bas de cette page, 2 revues de la presse évoquent l'accident du sous-marin nucléaire Nerpa en 2008 et ses suites, puis l'incendie sur le dock flottant de l'Ekaterinbourg survenu le soir du 29 Décembre 2011. Ceci doit nous rappeler que les travaux à bord des navires en construction ou en arrêt technique sont potentiellement très dangereux, surtout quand on ne se méfie pas...

Officier de Garde et Arrêt Technique (couler en cale sèche!)
Le terrible accident du Queen Mary II au Chantier (le 12 Mai 2009)

Sous-marin "SNA" Russe de type "Akula", peut-être est-ce le Nerpa.

Il faut reconnaître que le manque de transparence naturel des marines militaires, surtout en matière de sous-marins nucléaires, n'aide pas toujours les journalistes à s'y intéresser, surtout s'ils n'ont pas eu personnellement l'occasion durant une précédente vie de se frotter à ces "bêtes" là. Tout le monde ne va pas fréquenter les sous-marins dans sa vie.

Les Russes n'ont pas de chance avec leurs sous-marins. Mais je soupçonne fort la Marine Russe de mettre en oeuvre une démarche à moyen terme pour retrouver son état de grande puissance, ceci étant "à marche forcée" mais avec des moyens plus ou moins suffisants. Vladimir Poutine et son jeune compère Medvedef veulent peut-être "en faire trop". Trop vite aussi semble-t-il.

L'Anglais HMS Tireless (Infatigable?) au pôle Nord

Rattraper le niveau perdu depuis la fin de l'Union Soviétique est souvent vécu sur place comme une nécessité par beaucoup de décideurs. Cela peut se deviner aisément en lisant la presse spécialisée et tous les sites militaires "pro", même si bien sûr les intéressés s'en défendent, naturellement. D'autre part comme pour toutes les activités humaines, lorsqu'on met les gars sous haute pression avec des moyens "trop courts", "ça craint"... Surtout en mer!

L'Hélène Delmas en achèvement à St-Nazaire en 1978.
La peinture brille et naturellement, tout n'est pas encore paré...

Il ne doit jamais être perdu de vue par qui veut comprendre au moins un peu ce genre d'évènement, que tout navire neuf qu'il soit civil ou militaire, peut facilement devenir l'objet d'un accident stupide durant son "neuvage", c'est statistique et naturel. Pour un sous-marin nucléaire, c'est naturellement encore plus délicat. On en sait quelque chose en "ex-URSS" et en Russie, trois Amiraux Soviétiques ont fort bien su nous le raconter:

Il est aussi bien connu des marins qu'un système d'extinction automatique d'incendie peut se montrer très dangereux en cas de mauvaise utilisation, d'un montage défectueux ou les deux simultanément. C'est d'ailleurs le cas de beaucoup d'équipements de sécurité à bord des navires. Les embarcations de sauvetage et quelques autres équipements de sécurité à bord le sont aussi, tout simplement pour les mêmes raisons. C'est là une étrange règle générale que j'ai toujours constatée en naviguant, même (pour ne pas dire surtout) ce qui est censé vous protéger peut devenir très dangereux, en étant mal "conduit, mal conçu ou pire, les deux à la fois.

Le vieux Ouessant fait aujourd'hui de la formation pour la Malaisie.N'ayant aucune tradition avec les sous-marins, elle a dû tout apprendre, dès la commande de ses deux "Scorpène".
Le Ouessant sera transformé en musée en Malaisie

En d'autres termes, n'importe qui n'ayant jamais été sous-marinier peut se douter avec un peu de simple bon sens, (c'est d'abord cela, le fameux "sens marin") qu'à bord d'un sous-marin neuf durant ses premières sorties en essai à la mer, il existe tout naturellement un cumul de risques très supérieur à celui de n'importe quel navire de surface, ne serait-ce que par la présence supplémentaire à bord d'un personnel constitué de spécialistes qui ne sont pas toujours très "amarinés".

Je me suis donc dit dimanche soir, que si jamais un cornichon a déclenché accidentellement le fréon (je n'en étais pas encore informé) dans plusieurs compartiments du bord en plongée, (j'ai cru comprendre que c'est ce qui est arrivé) s'il est revenu sain et sauf à la base et s'il est identifié, "ça va être sa fête". Dur-dur...

Si un plantage informatique ou une fausse manipulation de ce genre est effectivement à l'origine de l'accident, il ne sera pas (du tout) facile de comprendre ce qui s'est passé, surtout si le gaffeur est décédé dans l'accident. C'est vraiment un sale coup de plus pour les Russes. Naviguer chez les "tuyaux gris popof", ne doit pas être marrant tous les jours. Je suis même prêt à parier sans pourtant être à même d'en être informé directement par les intéressés, que cela doit être beaucoup plus dur depuis la fin de l'URSS, compte tenu du difficile "contexte comptable" Russe dont nous avons tous entendu parler...

Témoignage pathétique retrouvé dans l'épave du Koursk, une pendule.
(photos Nico Courtine, merci!)

Le Koursk renfloué et posé sur le dock flottant où il fut démoli.
(je me demande toujours pourquoi on a "escamoté" son nez?)

J'ai vécu 5 fois dans ma vie de marin un début de feu à bord, ça nous a toujours "mis les jetons". J'aime autant vous dire que personne ne fait le malin sur le moment! Cependant à bord des sous-marins Français, (pour ne citer qu'eux) les précautions les plus méticuleuses (jusqu'à la limite du ridicule, c'est dire) sont multipliées, car c'est vite un cauchemar quand le feu survient en plongée. Si en plus, un système de sécurité devient soudain "un traître" sans pitié à la suite d'une mauvaise manipulation...

Même en étant très moderne, un sous-marin est beaucoup plus qu'un navire de surface, un espace fermé et étroit. Tout local à son bord même le plus "innocent", peut se transformer en un piège terrible en cas d'incendie, pour ne citer que ce danger.
D'autre part, comme pour les catastrophes aériennes, si on trouve "le cornichon de service qui a fait la connerie", naturellement ça arrange toujours "tout le monde"! En effet les constructeurs d'un équipement défectueux quand cela arrive, ne supportent jamais facilement qu'on remette en cause la conception ou le montage de leur matériel... C'est ainsi, même si cela ne les empêchera jamais, (bien au contraire) de modifier l'équipement concerné par la suite, mais surtout "en catimini". N'avouez jamais! C'est une des spécialités d'Airbus, bien connue du petit monde aéronautique.
Lorsqu'il faut (aussi) être sûr que le client qui doit acheter ou louer ne change pas d'avis... En effet "il se dit" dans le petit milieu, que le Nerpa sera loué à la Marine Militaire Indienne, même si du côté Russe cela a été démenti tandis que les Indiens le confirment. Qui croire? Se demande le Portail des sous-marins. On l'aura deviné, tout ça est embarrassant pour les Russes.

Tout ça est bien bizarre et la transparence affichée depuis peu par la marine Russe ne serait-elle qu'un trompe l'oeil? Il est sûr qu'on n'a pas fini d'en entendre parler et que l'officier qui ose prendre la défense du fameux matelot est un gars très courageux. Mais il a peut-être intérêt à ne pas trop se montrer...

Il est évident que les descriptifs de ce système de détection et extinction d'incendie qui sont "ça et là" disponibles sur les sites web spécialisés "marines militaires", nous laissent entendre que l'incident informatique à la suite d'une erreur de programmation ou/et de manipulation est probable. Qui vu de loin peut le savoir? D'autre part à bord a-t-on exactement compris la fausse manoeuvre qui fut à l'origine du drame?

"Dans le huis clos d’un sous-marin, tout dysfonctionnement peut virer au drame en un clin d’oeil. Les chances de survie de l’équipage tiennent alors à la pertinence de ses réactions dans les toutes premières secondes." (Gilles Corlobé, ancien sous-marinier et site-captain du "Portail des sous-marins") D'autre part, je ne suis pas sûr qu'un matelot ait accès à cette informatique, sous réserve de savoir quelles étaient ses fonctions et sa spécialité. Ceci n'engage que moi. Qui va savoir pourquoi "on" lui est "tombé dessus", (qui ça, "on"?) et pourquoi lui et pas un autre? Peut-être que même à bord du Nerpa, les gars s'interrogent.

A bord d'un navire civil de commerce, on travaille un peu comme à l'usine, on fait ce qu'on sait faire sans état d'âme et quand tout va bien c'est dur souvent, mais simple à vivre. Cela dit être prêt à tout et sans cesse vigilant est la seconde nature des "marins moyens". On n'a fort peu le droit à l'erreur:
-"Soyez toujours vigilant! A bord et surtout en mer, tout peut arriver..."

C'est ce que disait le commandant du 4 mâts et cargo-école Padua à ses élèves en les accueillant à son bord dans les années 1930. Pour ne citer "que" cela, il est impératif et indispensable de s'assurer très régulièrement que tout le monde à bord sait se servir sans hésitation des équipements de sécurité en faisant des exercices de "manipulation" ritualisés et réguliers avec un "scénario" différent chaque semaine avec pour thèmes, la lutte contre l'incendie, la mise à l'eau des embarcations, l'envahissement d'un compartiment ou plus, etc...
(pour les gars des "tuyaux gris", c'est aussi le fameux: "Aux postes de combat!)

Sous-marin de type Scorpène construit pour la Malaisie à
Cherbourg peu avant son lancement.
Visitez un sous-marin moderne, le Malaisien Tunku Abdul Rahman
(du type Scorpène) avec Mer et Marine.

On a en effet plus que vite fait de se retrouver "débordé" par une situation imprévue. S'il faut alors perdre du temps à "chercher la notice" alors que la fumée est partout, qu'il y a 4 mètres d'eau dans le compartiment machine, 8 mètre de creux "dehors" et que le navire roule bord sur bord... "On est mal"!
A bord d'un sous-marin surtout s'il est sorti du chantier naval la semaine précédente, il est absolument certain que cela peut fort bien ne vous arriver qu'une seule fois... Si on organise l'entrainement des équipages de sous-mariniers jusqu'à la compréhension parfaite des procédures techniques et s'assurer de la transformation de chaque geste du bord en un réflexe sûr et inoubliable, il y a "des raisons toutes simples.

Cet accident stupide et horrible entre tous nous prouve aussi, que les Russes ont su rejoindre l'Occident, au moins dans tous ses excès informatiques. Mais le pauvre Dmitri Grobov n'est pas sorti de l'auberge... Pour le Nerpa, plus que les rebondissements, c'est la transparence des médias Russes qui a surpris: Quelle évolution par rapport à l'affaire du Koursk et à l'AS-31!

Ce fut une surprise, mais quand on fait un effort d'imagination cela s'explique. Quelques semaines après le drame du Koursk, quand l'émotion forte fut retombée, je suppose que Vladimir Poutine et quelques amiraux dirigeants de la flotte sous-marine ont regardé les séquences TV qui furent diffusées dans le monde entier. Ils se sont alors certainement tous dit:
-"Plus jamais ça!!"

En effet je suis sûr qu'il était impossible de faire pire et ils durent sans doute tous en convenir. De là à penser que la nouvelle "règle de conduite" alors décidée fut de faire en sorte de laver le linge sale en public en cas de récidive, il y a un pas que je franchis. Cela peut inciter à la vigilance et dissuader les "erreurs". Maintenant, ils sont plus transparents que les Français. En effet "tout le monde" a ses accidents.
La presse est "bien surveillée" en Russie. S'ils "déballent", c'est qu'ils ont eu au moins un feu vert. D'autre part d'un stricte point de vue technique, une Loi incontournable pour toutes les technologies veut qu'un automatisme mal maîtrisé soit toujours très dangereux, surtout en mer. Alors, à bord d'un sous-marin en plongée et durant des essais en mer...

L'Etienne Denis fut construit à St-Nazaire en 1984. Il a souvent changé de nom, surtout depuis la fin de la Cie de Navigation Denis Frères. Ses essais en mer m'ont passionné sur le moment. Il y eut comme toujours quelques fausses notes ou incidents divers mais pas de drame. Pourtant, nous commencions à prendre l'habitude de ne plus "prendre notre temps" pour travailler et les maladresses induites par la précipitation n'étaient pas rares.

Bien navicalement - Thierry Bressol - R/O

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Conférence de presse à bord du "Piotr Velikii" à Toulon