vendredi 21 novembre 2008

Porte-Conteneurs et mondialisation 2/3

Il y a un an déjà la Marine Inconnue, celle du Commerce, fut évoquée sur les ondes de la télévision en prenant tout le temps qu'il faut pour le faire. C'est arrivé en Novembre et Décembre lorsque ce texte fut mis en ligne le 22 Décembre 2007 à bord de la première version du site, sabordée en Mars 2008 pour ne rien cacher. Cet article est donc revenu en ligne ce 24 Novembre 2008 corrigé et amplifié, en tant que seconde partie de l'article récent "Mondialisation vécue au large 1".
La Marine Marchande à la TV en Octobre 2012 (chaque Samedi à 16h15):
Emission "Littorale" sur notre Marine Marchande via le site de France 3
Ce qui peut être pensé de ce documentaire TV (le 15 Octobre 2012 à 11h00)
Avec un PC "qui se plante", on peut seulement faire le tour du Monde via Internet. Par contre avec un "PC qui flotte" votre tour du Monde n'est plus seulement virtuel, ce qui n'empêche pas qu'il y ait à bord plus d'un PC que l'on peut connecter à la Vaste Toile via l'option haut-débit d'Inmarsat. L'émission de TV Thalassa a fort bien su évoquer les "PC" ou porte-conteneurs, comme pas assez souvent à la télévision. Ces navires constituent le symbole le plus parfait de la mondialisation galopante et parfois forcenée. C'est ainsi "pour le meilleur ou pour le pire".
La mondialisation a le feu au cul depuis quelques semaines, (Yoyo financier international) et c'est plus grave que ce qui arrive à l'un de ses symboles montré ici en fâcheuse posture. Je reviendrai prochainement ici-même sur d'autres aspects mal connus de tout cela dans le troisième article de la série.
Comme les autres, l'excellente émission Thalassa de la télévision FR3 (regardée jusqu'en Algérie) évoque rarement la Marine Marchande d'aujourd'hui et ses "petits soucis". Elle ne montre en effet pas si souvent (pour ne pas dire pas assez) les marins du commerce des années 2000, pas plus souvent qu'elle ne montrait ceux des années 1970, 80 ou 90. Il nous est d'ailleurs tous parfois arrivé d'en être très frustrés souvent à raison. Cela dit...

Le CMA-CGM LaTour, vedette dans Thalassa. Ce beau
porte-conteneurs n'a de français que le nom et son exploitant
A la fin 2007 Thalassa sut fort bien su rattraper ce "retard" avec sa série "Tour du Monde en PC". Il est d'autre part fort rare de voir évoquer l'usage d'Internet en Mer dans les médias. Pourtant cela se fait maintenant depuis des années, c'est même de plus en plus utilisé à bord des navires de commerce pour communiquer avec la Compagnie, les services techniques de celle-ci bien sûr, ou tout simplement avec tout autre correspondant habituel de tout "navire de charge". Parmi ceux-ci par exemple(s), se trouvent le Pilotage des ports, les autorités portuaires, les agences maritimes et "tout le reste", sans oublier les ami(e)s et toutes les familles des navigateurs bien entendu.
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Terminal Satcom Staturn "Inmarsat A" - En 1980 déjà... Mais pas encore d'Internet! Ce modèle équipait déjà le Saint-Roch,
un des porte-conteneurs rouliers de la SNO.
Cela dit on y utilise aussi Internet pour "surfer" ou "naviguer" comme les autres usagers de "la toile". A ce propos, le terme "naviguer sur Internet" m'a toujours amusé. Il existe cependant un point commun de cette activité avec la Navigation sur l'eau mais, sur la "vaste toile" on rame souvent plus qu'on y navigue! On y patauge aussi beaucoup plus qu'on y surfe! Plus idiot que le terme "surfer" en la matière, il y a peut-être le "verlan"... Ceci dit l'expression "Explorer" de Microsoft, n'est pas si prétentieuse, quand on sait comment la "Toile" est devenue vaste comme les étendues Marines.
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Inmarsat est simple à installer à bord en 2006, et la configuration "client" est dans une carte SIM !

Avant d'évoquer directement ce Tour du Monde en PC, je ne peux pas résister à la tentation de raconter ma rencontre avec une équipe de Thalassa venue à bord du navire câblier Léon Thévenin qui se trouvait alors à quai au Centre des Câbles sous-marins de France Telecom à Brest en 1990...

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Ces braves gens voulaient voir et filmer un Officier Radio "faire du Morse". Pourquoi pas? Rien n'était plus facile que leur montrer le "comment ça se passe". Ce fut donc un plaisir pour moi de leur faire une petite "démo" en grandeur nature. En avant la musique, voici un instrument:

Ce modèle de luxe de manipulateur Morse est superbe. Le mien
à bord du Thévenin était moins beau, mais aussi authentique...

Comme ils me paraissaient un peu pressés par le temps, il fut plus simple d'appeler la station de Brest Le Conquet Radio en Ondes Moyennes pour échanger quelques mots par écrit avec l'opérateur(trice). Ce serait rapide, spontané et surtout, tout à fait représentatif. En 1990 l'usage du Code Morse par les navires était encore fréquent mais dans son déclin. On commençait déjà "progressivement" à évoquer une possible fermeture de notre "sacro-sainte" Station Radio en Ondes Courtes de Saint Lys.

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Inmarsat aujourd’hui, on ne rentre plus dans la boule, on ouvre. Faut-il un ouvre-boîtes ?

J'ai donc appelé Brest le Conquet "FFU" sur 500.00 Khz puis l'opératrice et moi nous sommes passés sur les deux fréquences "de travail" 480.00 et 487.00 Khz, très exactement comme je le faisais régulièrement en mer pour expédier mes messages de 10 à 15 groupes de 5 chiffres d'observations météorologiques. Pour faire cela, le Code Morse est à la fois plus rapide et plus efficace que les satellites, ce qui devait être remarqué et rappelé ici, même en 2008. D'autre part c'est beaucoup plus "convivial" avec le code Morse qu'avec les froides machines de telex d'Inmarsat.

Le navire câblier Léon Thévenin à Brest

Contacter St-Lys aurait été un peu plus long car on me ferait attendre mon tour, et aurait fait attendre ces gens pas très pateints. J'ai donc dû aussi leur expliquer ça. D'autre part, il est bien connu que les journalistes, (qurtout ceux de la TV) ont toujours tendance à vouloir simplifier à outrance les sujets "un peu trop techniques"... Et de les laisser installer leur matériel de prises de vue en discutant de choses et d'autres avec eux. Le local Radio du Thévenin était parfait pour eux car il était vaste, contrairement à celui de nombreux navires de commerce. C'était nécessaire pour les travaux câbliers et nous avions plus d'équipements. Pour filmer c'était donc "confortable". Que demande le peuple?

L'équipement radio du CMA-CGM Nabucco
Tandis que je me préparais, la chef-journaliste et ses deux collègues opérateurs observaient avec curiosité et étonnement mon matériel. Deux émetteurs d'Ondes courtes ITT 1610 étaient situés de l'autre bord de la pièce sur leur gauche, derrière la large console des récepteurs et du système TOR (telex on radio) radio-telex ARQ Phillips STB750. Derrière moi, se trouvaient trois imprimantes de telex, celle du TOR et celles des deux terminaux Satcom Inmarsat A. Où qu'ils se tournent, ils avaient à voir un appareil mystérieux pour les non-initiés...
L'opératrice du Conquet et moi nous avons donc échangé quelques mots. Dès qu'elle eut reçu mon petit texte qui expliquait la présence de cette équipe de télévision à mon bord, "FFU" me demanda naturellement de les saluer de la part du "staff" de la Station qui avait déjà reçu Thalassa...
Georges Pernoud, Capitaine de Thalassa.
L'un de mes deux Satcom ne fut sans doute pas remarqué "comme tel" parce que tout simplement, sa partie visible était un PC qu'ils prirent sans doute pour un simple ordinateur de bureau, ce qu'il était aussi... Je repense encore parfois à un très vieux Monsieur des environs de Toulon. Cet ancien Officier Radio en retraite fut bien étonné en me visitant à bord du Raymond Croze, car il n'avait pas souvent mis les pieds à bord d'un navire depuis son départ en retraite au début des années 1960, même en tant que passager...
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Le navire câblier R.Croze en 1989. Peinture des cheminées en cours, pas de symbole "France Telecom".
En 1922 (au début de la carrière maritime de l'intéressé) l'auteur de science fiction le plus déjanté n'aurait jamais pensé qu'il serait possible aux Marins de 1990, de jouer aux échecs avec l'équipement radio, accessoirement de l'utiliser ensuite pour frapper le courrier et la liste d'équipage, ou même de traiter puis envoyer toute la comptabilité du navire "à Paris"... Et quoi encore?
D'autre part, recevoir et visionner par satellite des petites séquences de vidéo trouvées sur "Youtube" rien que pour s'amuser ou bien dans le cadre du travail à bord, voir la tête du "Capitaine d'Armement" avec une webcam en téléphonant au siège de la Cie, si jamais c'était concevable pour qui que ce soit, cela suggérait sans doute qu'il fallait d'urgence arrêter le whisky après y avoir pensé...

Le St-Roch vu en Seine vers Rouen en 2008, n'a plus sa coque peinte en gris clair comme au temps de la SNO. Il est devenu Delmas et est immatriculé aux Bahamas. D'autre part depuis 1980, je suis certain qu'il a dû changer son vieux "satcom" Inmarsat...
Après avoir été filmé en train de communiquer ainsi avec "Le Conquet", j'ai soudain dû constater la tête penchée de la jeune femme et son regard bizarre. Elle était visiblement tout à fait insatisfaite de ma démonstration. Je ne comprenais pas:
-"Mais... C'est pas du tout ça!" Dit-elle soudain.
-"Comment ça? C'est pas du tout ça...?! (j'étais stupéfait) Vous avez voulu assister à un appel Radio en code Morse et je vous l'ai fait avec Le Conquet, exactement comme on le fait, tout bêtement comme d'habitude. Qu'est-ce qui ne va pas?"
Je ne comprenais pas... En fait, ils voulaient voir et filmer ça, comme EUX l'imaginaient! C'est à dire pas vraiment comme cela se passe réellement ou "normalement". Entre autres "fantaisies", elle voulait que je mette un casque sur la tête comme dans un film. Tout cela était bien gentil, mais on ne "s'entendait" pas clairement de cette façon. Je sais seulement qu'on ne m'a pas vu par la suite à la télévision, ni dans Thalassa ni ailleurs, encore moins le local radio du câblier Léon Thévenin!

Même (surtout) à quai l'incendie est facile, petit ou grand.
Ici l'Emma Maersk victime d'un stupide accident à son
chantier natal d'Odense en 2006.
(photo des Pompiers d'Odense, d'où l'adresse et le "112")

Leur visite fut finalement très amusante, pas seulement à cause de cette étrange divergence de point de vue. En effet le second projecteur prévu pour filmer au local radio était installé trop près du plafond. Donc le dit plafond a pris feu à cause de la chaleur! J'en ris encore bêtement aujourd'hui car cet incident non plus n'est pas passé dans Thalassa. Ce qui compte d'ailleurs, c'est surtout qu'il ne passa pas au journal TV de 19h00 de FR3 Bretagne. Saisissant immédiatement le premier extincteur à ma portée, je ne lui ai laissé que le temps de faire une petite flamme!
Le CMA-CGM Fidelio

Pour tout sujet maritime, en regardant la télévision je ne suis pas du "grand public" dont nous faisons tous partie dès qu'il s'agit d'un sujet qui nous est étranger. Je deviens naturellement ignare comme tout le monde en regardant un reportage consacré aux viticulteurs du Languedoc (dont je suis pourtant originaire)... Le vin est plus facile à boire qu'à produire, on doit me consulter surtout pour la première option.
Depuis cette étrange aventure télévisuelle, j'ai compris COMMENT et POURQUOI tout ce qui nous est montré à la télévision peut parfois être au moins un peu "biaisé", volontairement ou non.
Emma Mearsk se veut "taille fine", mais elle, ses frères et
ses soeurs sont les plus grands PC du Monde.
Ceci dit Thalassa ne "biaise" pas toujours et si "son équipage" a su montrer une "certaine retenue" à propos des sujets maritimes qui peuvent "fâcher", les pavillons de complaisance par exemple, nous savons aussi que cette retenue de précaution a une bonne cause. Sans elle, il n'y aurait plus de Thalassa depuis longtemps!
Les conditions de la Navigation "au Commerce" sont devenues extrêmement "difficiles" (pour rester poli) en particulier physiquement à cause de la fatigue. C'est un fait social aujourd'hui reconnu internationalement. Le contexte du business maritime fut en effet dans les premiers à devoir "s'inscrire" dans le cadre de plus en plus inquiétant de la libéralisation frénétique des échanges commerciaux.

Le CMA-CGM Mozart en escale à Marseille
C'est ainsi de longue date, au point que la mondialisation soit devenue "un sujet qui fâche" ou "qui glisse" parce que trop délicat, donc dangereux pour la longévité d'une émission de radio ou de TV! Ce n'est pas pour rien que Thalassa a su dépasser les 25 ans de diffusion à la télévision. Sans cette prudence parfois excessive, les téléspectateurs auraient depuis fort longtemps dû "passer à autre chose" chaque vendredi soir... (tant pis si je me répète) C'est très fort d'avoir su durer aussi longtemps dans le milieu "agité" de la télévision livrée aux "marchands du temple"!

Le CMA-CGM Vela quitte son chantier natal, il peut porter 11000 "boîtes".
Ce voyage-enquête en porte-conteneurs de la Cie CMA-CGM a commencé à bord du CMA-CGM La Tour, navire Français sous pavillon des Iles Bahamas (immatriculé à Nassau). C'est un navire français sans Français à son bord, même si sa Compagnie est Française. Comment ne pas trouver cela au moins bizarre? Encore plus intéressant, la série fut complétée donc poursuivie en Extrême Orient à bord de l'ANL Australia, un autre très grand porte-conteneurs cette fois "mené" par quelques navigateurs Français.

Inauguration au Havre du CMA-CGM La Tosca
Les affaires marchent si bien pour la CMA-CGM de Marseille qu'elle a aujourd'hui beaucoup plus de navires, que le nombre de marins Français disponibles sur "le marché du travail" permettrait d'en faire naviguer. C'est ad'une part parce que le nombre de navires augmente soudain, mais aussi tout simplement parce que simultanément les marins Français sont de moins en moins nombreux. Pourquoi?

Thalassa a su avec talent en faire parler quelques uns. C'est une chose rare et tout ce qu'ils nous ont raconté est à la fois édifiant et instructif pour les habitués de cette émission que sa forte audience a sauvé du vent (parfois) mauvais du "PAF". Celles et ceux qui ont su bien écouter les marins Roumains et Français du Nabucco parler de leur "Job" l'auront sans doute remarqué et compris, à bord de ces magnifiques navires on mène une vie de fou dans une ambiance souvent triste. Les Marins Roumains leur ont sans doute dit énormément de choses qui n'ont pas pu être montrées dans l'émission, des choses plus ou moins accessibles à qui sait écouter entre les mots ou lire entre les lignes. Pour les comprendre sans avoir pu les entendre dire, il faut avoir été marin. La navigation moderne n'a pas "le sel" de la Grande Navigation au temps, "il n'y a pas si longtemps".
L'Acadia Forest est un cargo porte-barges Américain, c'est une
technique typique de là-bas, qui n'a pas eu beaucoup de succès en Europe.


Interrogé en 1993 par l'Hebdo "Le Marin" à l'occasion de son dernier voyage avant de partir en retraite, le Cdt Fauriel du Fort Royal de l'ancienne CGM exprima sa profonde lassitude en posant une bonne question:
-"Qu'avons-nous fait de notre beau métier?"

Le MSC Napoli (ex CGM Normandie) fut "un PC qui se plante"...
L'équipe de Thalassa a su évoquer ces dernières semaines la navigation moderne avec la retenue habituelle certes, mais aussi avec une grande précision et une objectivité précise. Ce tour du Monde en Porte-Conteneurs Français se révèle extrêmement intéressant, pour ne pas dire, de plus en plus intéressant. Cet article explique aussi pourquoi j'ai quitté la Navigation en 1991. Je me sentais menacé dans mes valeurs et ma relation au travail, par ce nouveau style de vie en mer.
Au Havre, le CMA-CGM Nabucco effectuant (accompagné)
quelques pas de danse pour prendre la bonne direction...

D'autre part la capacité de transport du CMA-CGM Nabucco ou de l'Emma Maersk semblerait ahurissante à un armateur du 19ème siècle, c'est à dire de 8000 à 11000 conteneurs "EVP" que nous appelons "boîtes", pour ne pas dire au moins autant de camions... Imaginez un peu ce que cela représenteraient 11000 camions sur une autoroute "en file indienne"!
Une chose est cependant restée absolument inchangée depuis "l'ancienne Navigation", il reste toujours quelques choses inachevées "ça et là", à bord d'un navire neuf lorsqu'il quitte son chantier natal! J'ai particulièrement apprécié le commentaire de la jeune Second Capitaine. Elle disait ne pas être la fée clochette, en évoquant les petits soucis de peinture du Nabucco, qui fut livré par son chantier Coréen sans que ses "couleurs" de coque et de pont soient entièrement achevées. Etant sans aucun doute très méticuleuse, la seconde capitaine que nous avons vue en interview dans Thalassa semblait vouloir "tenir" son bateau exactement comme chez elle, elle tient son intérieur. Ceci nous prouve également que la profession de marin n'est pas uniquement "un métier d'homme".

Vivent les femmes, même ou surtout à bord.
Bien navicalement - Thierry Bressol - OR1
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Thierry BRESSOL OR
Commentaires reçus:
Le 17 décembre 2007: "Le hasard m'a fait rencontrer l'article ci-dessus. Thalassa est une émission que je regarde de temps à autre parce que certains sujets (les "péqueux" de tel ou tel rivage non fréquenté etc.) ne retiennent pas toujours mon attention. Inversement le tour du monde sur ce porte-containers m'a intéressé, spécialement celui du passage de Panama en montrant les écluses, les "mules", la Coulebra, Colon etc. Car ce sont des lieux que j'ai fréquentés avant 1966 lorsque je naviguais."

Mule des écluses du canal de Panama (années cinquante) vue par Pierre Escaillas
"En regardant ce reportage, je me suis demandé si je n'avais pas connu l'époque de Cro-Magnon! La passerelle tapissée de consoles et de pupitres, des joysticks, un compteur sur lesquels défilent la latitude et la longitude, un sextant qu'un "homme en blanc" agite sur l'aileron de bâbord, comme un hochet auquel on fait très exceptionnellement prendre l'air... "

M/S Eric Vieljeux cargo moderne des années 70, les années de transition.
Mais... "Où sont passés chrono, carte, meubles à cartes, éphémérides nautiques, "Friocourt" et "Bataille" ou "HO 214"? Le gonio existe-il encore ? Le "matelot-peinture" ne resesmblait plus aux Le Tallec, aux Le Guen, aux Le Scornec, au Malgorn... de "l'époque "préhistorique". Le "carré" semblait ne plus exister parce que tout le monde, sauf les "Roumains", prend le repas à une table présidée par le commandant. Ambiance..."

"Les lieux, cabines y compris, lounge pour les gens du bord, beaucoup d'uniformes blancs m'évoquaient une croisière partie la côte de Floride. A la machine, tout semblait être sous carter, "hygiénique", dans une lumière quasi bureaucratique."
Le tunnel de l'arbre d'hélice, car ce PC de la Cie Maersk est
un navire "à château milieu".
Le Moteur Principal d'un PC du type Emma Maersk, est tout sauf petit...
Le "parquet à culasse" du Moteur Principal d'un PC du type Emma Maersk
"Bref! Plus rien de commun avec ces solides navires des années 50-60, avec leur âme, leur destin, leur odeur, leur chien ou leur chat, "machos" et sans "les autres", où il fallait être vif, "démerde", ne pas la "ramener", bien plus être que paraître, se contenter du courrier au port suivant, péniblement recevoir la radio dans sa cabine (avec un seul lavabo) sur un "Radialva"... Des panneaux de cales avec gaillottes, panneaux en bois et deux prélarts, des mâts de charge au cartahu luisant de galipot, pas de grue..."

"Mais en contrepartie, la joie de naviguer, de calculer une "ortho", de faire le point avec n'importe quoi (sextant, gonio ou transistor, sondes, loch à hélice ou "loch perdu", de suivre la route, de tendre les oreilles, les yeux et le nez que ce soit dans la boucaille de la mer du Nord ou à l'atterrissage sur le cap Saint-Vincent, de suivre la température de l'eau de mer en surveillant les glaces, des escales qui duraient quelques fois un mois..."
Le Banco à Abidjan années 50 (je l'ai connue presque inchangée)
"Eh! oui! C'est fini, bien fini et j'ai l'impression de misérablement jouer au petit Pierre Loti, ou en me souvenant du Djebel Zukur,du djebel Teïr, en Mer Rouge,à Henri de Monfred."
"Avec toutes mes émotions d'un monde maintenant satellisé et mes amitiés à transmettre à ceux qui ont connu ce genre d'existence."
L'ancien inscrit maritime 25670 ID Bx
Jean-Marie CONCHON CLC (Capitaine au Long Cours)

M/S Patricia, cargo moderne des années 1960
RE: Bonsoir Cdt! Ceci valait bien une réponse rapide de CLC! Je viens de corriger l'article, qui fut comme d'habitude un peu trop vite rédigé et mis en ligne. Il y aura d'autres réactions à priori!
Lorsque je naviguais, mes "grands anciens" dont vous êtes, évoquaient régulièrement la perte d'un style de vie qui leur avait permis de mieux connaître que nous le vaste monde en naviguant. Vous avez eu la chance de ne pas naviguer comme des valises!
Nous avons peu à peu commencé à le faire à la fin des années 70. Maintenant c'est devenu la norme. Je constate même dire aujourd'hui la même chose que vous! On naviguait "mieux" que les gars du Nabucco, je le crois aussi.

En 1987, le PC Belge "Quinquela Martin" (ex-Van Dyck)
Bien qu'étant un peu plus jeune que vous, en regardant cela j'ai aussi l'impression d'avoir fait la marine à voile! D'autre part, j'ai eu l'honneur de rencontrer et de serrer la main de quelques vieux messieurs qui étaient encore parmi nous il n'y a pas si longtemps. Ceux-ci ont passé le cap Horn à bord des 4 mâts de la "Maison Bordes", de Prentout et de Laesz jusqu'en 1922. Où faisaient la ligne de Philadelphie à Dieppe pour importer du pétrole à bord des premiers tankers qui étaient des trois et quatre mâts, ce qui se sait fort peu, comme il se sait encore moins que Dieppe à l'époque était le premier port pétrolier Français. Ces gars-là n'étaient d'ailleurs plus très nombreux dans les années 1980.
Coup de vent à bord du 4 mâts Richelieu (en 1922)
Le Canal de Panama n'a pas beaucoup changé, mais c'est "en devenir"! Par contre je n'ai pas connu le même Canal de Suez que vous, et encore moins celui du CMA-CGM Nabucco. Le monde maritime a dû évoluer de façon phénomènale depuis la fin des années 60. Vous l'avez remarqué, la technique est devenue "jolie" et le compartiment des machines se veut très propre,. Mais ces beaux navires n'ont pas leur pareil pour stresser les gars. Il existe en effet un côté "science-fiction" à bord d'un navire moderne tel que le Nabucco. Mais ils n'ont plus le confort luxueux des navires des années 70...

Ce qui a changé, c'est qu'il faut aujourd'hui avoir les nerfs toujours plus solides, le tempérament calme et placide et surtout, se souhaiter une vie de travail monacale pour être un bon marin moderne! Je suis étonné du fait qu'aucun monastère n'ait encore pris contact avec le monde du "Shipping International", terme plus adapté que "Marine Marchande", pour leur "fabriquer" des moines marins! Ceci fonctionnerait fort bien.
Enfin... Il leur restera toujours les superbes couchés du Soleil sur l'Horizon Illimité, la Croix du Sud, les conversations interminables sur l'aileron de passerelle et le spectacle inoubliable et redoutable qu'offre Neptune lors de ses grosses colères. L'élément Océanique sait régulièrement rappeler à quiconque navigue, la puissance phénomènale de la Nature.
Cela, aucune évolution technique ne va leur enlever avant longtemps, au moins jusqu'à institutionnaliser la "télé-transportation" dématérialisée des conteneurs. Ce n'est pas pour demain, à priori!
Bien navicalement - Thierry Bressol - R/O
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Thierry BRESSOL OR
Commentaires laissés à mon bord en 2007:
Le 18.12.2007: "Il y a des jours, particulièrement le vendredi soir en regardant "Thalassa", où l'on est content d'être "vieux" et de ne pas avoir connu ces fichus porte-boites et leur rythme à rendre névrosé le plus équilibré des marins. Je prends à mon compte les amitiés de M. Conchon et vos salutations, Thierry."
Pierre Escaillas
Le 29.12.2007: "Bonjour, j'ai navigué comme OR de 1949 a 55 pour la CTO. Tout d'abord sur un liberty de la Côte d'Afrique. Ensuite sur Tomoe ,Torima (Madagascar,Australie japon). A cette époque les escales de 15 jours 3 semaines étaient monnaie courante et l'ambiance à bord sans comparaison avec ce que j'ai pu voir sur ces PC. Je crois que j'ai connu l'époque heureuse de la navigation et je plains ceux qui doivent naviguer dans ces conditions."
Sincères salutations. Bouvier Georges.

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